Simenon, Georges - Maigret et son mort Страница 10
- Категория: Детективы и Триллеры / Полицейский детектив
- Автор: Simenon
- Год выпуска: неизвестен
- ISBN: нет данных
- Издательство: неизвестно
- Страниц: 22
- Добавлено: 2019-10-13 14:47:02
Simenon, Georges - Maigret et son mort краткое содержание
Прочтите описание перед тем, как прочитать онлайн книгу «Simenon, Georges - Maigret et son mort» бесплатно полную версию:Simenon, Georges - Maigret et son mort читать онлайн бесплатно
Du bout de son pied, Maigret, impassible, tapotait les orteils de Lucas.
La scène fut brève, mais parut très longue. L’homme cherchait de la monnaie dans sa poche de la main gauche, tandis que, de la droite, il portait le verre à ses lèvres et buvait d’un trait.
L’alcool le fit tousser. Il en eut les paupières humides.
Alors il jeta quelques pièces sur le comptoir et sortit en quelques pas très longs, très rapides. On le vit, dehors, s’élancer dans la direction du quai de Bercy et se retourner.
— À toi ! fit Maigret à l’adresse de Lucas. Mais j’ai bien peur qu’il te sème...
Lucas se précipitait dehors. Le commissaire commandait à Chevrier :
— Appelle un taxi... Vite !...
Le quai de Bercy était long, tout droit, sans rues transversales. Peut-être aurait-il le temps, en voiture, de rejoindre l’homme avant qu’il eût échappé à Lucas.
CHAPITRE V
À mesure que le rythme de la poursuite s’accélérait, Maigret avait davantage l’impression de vivre cette scène pour la seconde fois. Cela lui arrivait parfois en rêve – et c’étaient ces rêves-là que, encore enfant, il appréhendait le plus. Il s’avançait dans un décor généralement compliqué, et soudain il avait la sensation qu’il y était déjà venu, qu’il avait fait les mêmes gestes, prononcé les mêmes mots. Cela lui donnait une sorte de vertige, surtout à l’instant où il comprenait qu’il était en train de vivre des heures qu’il avait déjà vécues une fois.
Cette chasse à l’homme, commencée quai de Charenton, c’était de son bureau qu’il en avait suivi une première fois les péripéties, alors que la voix affolée du petit Albert lui apportait d’heure en heure l’écho d’une angoisse croissante.
Maintenant aussi, l’angoisse montait. Sur la longue perspective du quai de Bercy, presque désert, l’homme qui marchait à grands pas souples le long des grilles se retournait de temps en temps, puis il accélérait son allure en voyant invariablement derrière lui la courte silhouette de Lucas.
Maigret, dans son taxi, assis à côté du chauffeur, roulait derrière eux. Quelle différence entre les deux hommes ! Le premier avait quelque chose d’animal dans le regard, dans la démarche. Ses mouvements, même quand il se mit à courir, restaient harmonieux.
Sur ses talons, le bedonnant Lucas allait le ventre un peu en avant, comme toujours, faisant penser à un de ces chiens corniauds qui ont l’air de saucissons à pattes, mais qui tiennent mieux la piste du sanglier que les plus illustres chiens de meute.
Tout le monde aurait parié contre lui pour le rouquin. Maigret lui-même, quand il vit l’homme, profitant de ce que le quai était désert, s’élancer en avant, dit à son chauffeur d’accélérer. C’était inutile. Le plus étrange, c’est que Lucas n’avait pas l’air de courir. Il gardait son aspect convenable de bon petit bourgeois de Paris en promenade et continuait à se dandiner.
Quand l’inconnu entendit les pas sur ses talons, quand, en tournant à demi la tête, il aperçut Maigret dans le taxi qui arrivait à sa hauteur, il comprit qu’il ne servait à rien de s’essouffler ni d’attirer l’attention, et il reprit une allure plus normale.
Des milliers de gens, cette après-midi-là, devaient les croiser dans les rues et sur les places publiques, et, comme pour le petit Albert, personne ne se douta du drame qui se jouait.
Au pont d’Austerlitz, déjà, l’étranger – car, dans l’esprit de Maigret, l’homme était un étranger – avait un regard plus inquiet. Il continua par le quai Henri-IV. Il se préparait à quelque chose, cela se sentait à son attitude. Et, en effet, quand ils atteignirent le quartier Saint-Paul, le taxi suivant toujours, il s’élança à nouveau, mais, cette fois, dans le réseau de rues étroites qui s’étend entre la rue Saint-Antoine et les quais.
Maigret faillit le perdre, parce qu’un camion bouchait une des ruelles.
Des enfants qui jouaient sur les trottoirs regardaient les deux hommes qui couraient, et Maigret retrouvait enfin ceux-ci deux rues plus loin, Lucas à peine essoufflé, parfaitement correct dans son pardessus boutonné. Il avait même la présence d’esprit d’adresser un clin d’œil au commissaire, comme pour dire :
— Ne vous en faites pas !
Il ne savait pas encore que cette chasse-là, à laquelle Maigret assistait du siège d’une voiture, sans se fatiguer, allait durer des heures. Ni qu’elle deviendrait plus cruelle à mesure que le temps passerait
C’est à partir du coup de téléphone que l’homme commença à perdre son assurance. Il était entré dans un petit bar, rue Saint-Antoine. Lucas y avait pénétré derrière lui.
— Il va l’arrêter ? questionna le chauffeur, qui connaissait Maigret.
— Non.
— Pourquoi ?
Pour lui, en effet, un homme qu’on suit à la piste est un homme qu’on finira par arrêter. À quoi bon cette poursuite, cette cruauté inutile ? Il réagissait comme les non-initiés au passage d’une chasse à courre.
Sans s’occuper de l’inspecteur, l’étranger avait pris un jeton de téléphone et s’était enfermé dans la cabine. On voyait, à travers les vitres du bistrot, Lucas qui en profitait pour avaler un grand verre de bière, ce qui donna soif à Maigret.
La communication dura longtemps : près de cinq minutes. Deux ou trois fois, Lucas, inquiet, alla regarder par le judas de la cabine pour s’assurer qu’il n’était rien arrivé à son client.
Après, ils furent côte à côte devant le zinc, sans rien se dire, comme sans se connaître. La physionomie de l’homme s’était modifiée. Il regardait autour de lui avec une sorte d’égarement, semblait guetter un moment propice, mais sans doute avait-il compris qu’il n’y en aurait plus pour lui.
Il finit par payer, par sortir. Il se dirigea vers la Bastille, fit le tour presque complet de la place, s’engagea un moment sur le boulevard Richard-Lenoir, à trois minutes de chez Maigret, mais tourna, à droite, dans la rue de la Roquette.
Quelques minutes plus tard, il était perdu. Il ne connaissait pas le quartier, c’était visible. À deux ou trois reprises, encore, il eut des velléités de fuite, mais il y avait trop de monde dans les rues, ou bien il apercevait au prochain carrefour le képi d’un sergent de ville.
C’est alors qu’il se mit à boire. Il entrait dans les bars, non plus pour téléphoner, mais pour avaler d’un trait un verre de mauvais cognac, et Lucas avait pris le parti de ne plus le suivre à l’intérieur.
Dans un de ces bars, quelqu’un lui adressa la parole, et il le regarda sans répondre, en homme à qui on parle une langue inconnue.
Maigret comprit soudain pourquoi il avait tout de suite pensé à un étranger dès son entrée au Petit Albert. Ce n’était pas tant la coupe de son costume, les traits de son visage qui n’étaient pas français. C’était bien plus cette prudence d’un homme qui n’est pas chez lui, qui ne comprend pas, qui ne peut pas se faire entendre.
Il y avait du soleil dans les rues. Il faisait très doux. Du côté de Picpus, des concierges avaient placé une chaise devant leur seuil, comme dans une petite ville de province.
Que de détours avant d’atteindre le boulevard Voltaire, puis la place de la République, que l’homme reconnut enfin !
Il descendit dans le métro. Espérait-il encore semer Lucas ? En tout cas, il s’aperçut que sa ruse était inutile, car Maigret vit les deux hommes remonter par la sortie.
Rue Réaumur... Un détour encore... Rue de Turbigo... Puis, par la rue Chapon, la rue Beaubourg.
« C’est son quartier », pensait le commissaire.
Cela se sentait. On devinait aux regards de l’étranger qu’il reconnaissait les moindres boutiques. Il était chez lui. Peut-être habitait-il dans un des nombreux petits hôtels miteux ?
Il hésitait. Maintes fois, il s’arrêta au coin d’une rue. Quelque chose l’empêchait de faire ce qu’il avait envie de faire. Et ainsi il atteignait la rue de Rivoli, qui était comme la frontière de ce quartier pouilleux.
Il ne la franchit pas. Par la rue des Archives, il pénétrait à nouveau dans le ghetto, suivait un peu plus tard la rue des Rosiers.
— Il ne veut pas que nous connaissions son adresse.
Mais pourquoi, mais à qui avait-il téléphoné ? Avait-il demandé de l’aide à des complices ? Quelle aide pouvait-il en espérer ?
— Ce pauvre bougre me fait pitié, soupira le chauffeur. Vous êtes sûr que c’est un malfaiteur ?
Non ! Même pas ! Force était pourtant de le traquer. C’était la seule chance d’apprendre du nouveau sur la mort du petit Albert.
Il transpirait. Son nez coulait. De temps en temps, il tirait de sa poche un large mouchoir vert. Et il buvait encore et toujours, s’éloignait d’une sorte de noyau constitué par la rue du Roi-de-Sicile, la rue des Écouffes, la rue de la Verrerie, noyau autour duquel il tournait sans jamais y pénétrer.
Il s’écartait et, irrésistiblement attiré, revenait. Son pas, alors, devenait plus lent, hésitant. Il se retournait sur Lucas. Puis c’était l’auto qu’il cherchait des yeux, qu’il suivait d’un mauvais regard. Qui sait ? Si le taxi n’avait pas été sur ses talons, peut-être aurait-il tenté de se débarrasser de Lucas en l’attirant dans un coin pour lui faire son affaire.
À mesure que le crépuscule approchait, les rues devenaient plus animées. Il y avait beaucoup de flâneurs sur les trottoirs, dans les rues aux maisons basses et sombres. Les gens de ce quartier, dès que commence le printemps, vivent dehors. Les portes des boutiques, les fenêtres étaient ouvertes. Une odeur de crasse et de pauvreté prenait à la gorge, et parfois on voyait une femme lancer ses eaux sales à travers la rue.
Lucas devait être à bout, bien qu’il n’en laissât rien voir. Maigret pensait à saisir la première occasion propice pour le relayer. Il avait un peu honte de suivre en taxi, comme les invités qui suivent une chasse à courre en voiture.
Il y avait des carrefours où l’on était déjà passé quatre ou cinq fois. L’homme, alors, s’avisa d’une nouvelle ruse. Il entra dans le sombre passage d’une maison, et Lucas s’arrêta à la porte. Maigret lui fit signe de suivre.
— Attention ! lui cria-t-il de son siège.
Quelques instants plus tard, les deux hommes ressortaient. Il était évident que l’étranger était entré dans la première maison venue avec l’espoir de dérouter les policiers.
Il le fit encore deux fois. La seconde fois, Lucas le trouva assis tout en haut de l’escalier.
Un peu avant six heures, ils étaient à nouveau au coin de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue Vieille-du-Temple, dans un décor de Cour des Miracles. L’étranger hésita une fois de plus. Puis il s’enfonça dans la rue, qui grouillait d’une foule misérable. On voyait les globes dépolis de plusieurs hôtels. Les boutiques étaient étroites, des couloirs aboutissaient à des cours mystérieuses.
Il n’alla pas loin. Il parcourut dix mètres environ, et un coup de feu claqua, tout sec, pas plus fort qu’un pneu qui éclate. Le mouvement de la rue, comme à cause de la force acquise, fut quelques instants avant de s’arrêter. On eût dit que le taxi stoppait de lui-même, étonné.
Puis il y eut le bruit d’une course. Lucas s’élançait en avant. Un second coup de feu éclata.
On ne pouvait rien voir, à cause des remous de la foule. Maigret ne savait pas si l’inspecteur était atteint. Il était descendu de voiture, s’était précipité vers l’inconnu.
Celui-ci était assis sur le trottoir. Il n’était pas mort. Il se soutenait d’une main, tenant sa poitrine de l’autre. Ses yeux bleus se tournaient vers le commissaire avec une expression de reproche.
Puis un voile passa. Une femme dit :
— Si ce n’est pas malheureux !
Le buste oscillait, tombait en biais sur le trottoir.
L’homme était mort.
***
Lucas revint bredouille, mais indemne. La seconde balle ne l’avait pas atteint. Le fuyard avait essayé d’en tirer une troisième, mais son arme avait dû s’enrayer.
C’est à peine si l’inspecteur l’avait entrevu et il disait :
— Je serai incapable de le reconnaître. Il me semble pourtant qu’il est brun.
La foule, sans en avoir l’air, avait aidé à la fuite de l’assassin. Comme par hasard. Lucas n’avait à aucun moment trouvé le passage libre devant lui.
Et maintenant on les entourait d’un cercle réprobateur, presque menaçant. Il ne leur fallait pas longtemps, dans le quartier, pour flairer la police en civil.
Un sergent de ville ne tarda pas à les rejoindre, écarta les curieux.
— L’ambulance municipale, grommela Maigret. Sifflez d’abord pour alerter deux ou trois de vos collègues.
Soucieux, il donna à voix basse des instructions à Lucas, qu’il laissa sur les lieux avec les agents. Puis il regarda encore le mort. Il avait envie de fouiller ses poches tout de suite, mais une étrange pudeur l’empêcha de le faire en présence de curieux. C’était un geste trop précis, trop professionnel qui prendrait ici les allures d’une profanation, voire d’une provocation.
— Fais attention, recommanda le commissaire à voix basse. Il y en a sûrement d’autres.
Il n’était qu’à deux pas du quai des Orfèvres, où le taxi le déposa. Il monta rapidement vers le bureau du chef, frappa sans se faire annoncer.
— Un nouveau mort, dit-il. Celui-ci a été tiré sous nos yeux, comme un lapin, en pleine rue.
— Il est identifié ?
— Lucas sera ici dans quelques minutes, dès que le corps aura été emporté. Je peux disposer d’une vingtaine d’hommes ? Ils y a tout un quartier à mettre en état de siège.
— Quel quartier ?
— Roi-de-Sicile.
Et le directeur de la P. J., lui aussi, fit la grimace. Maigret gagna le bureau des inspecteurs, en choisit quelques-uns et leur donna ses instructions.
Puis il alla trouver le commissaire qui dirigeait la brigade des mœurs.
— Vous pourriez me prêter un inspecteur qui connaisse à fond la rue du Roi-de-Sicile, la rue des Rosiers et le quartier environnant ? Il doit y avoir par là un bon nombre de filles publiques.
— Trop.
— D’ici une demi-heure, on lui remettra une photographie.
— Encore un macchabée ?
— Malheureusement. Mais son visage n’est pas abîmé.
— Compris.
— Ils doivent être plusieurs à nicher dans les environs. Attention, car ils tuent.
Il descendit ensuite aux garnis, où il demanda à peu près le même service à son collègue.
Il était important de faire vite. Ils s’assura que les inspecteurs étaient partis pour prendre leur faction autour du quartier. Puis il téléphona à l’Institut médico-légal.
— Les photos ?
— Vous pouvez les envoyer chercher dans quelques minutes. Le corps est arrivé. On y travaille.
Il lui semblait qu’il oubliait quelque chose. Ils restait là, prêt à sortir, à se gratter le menton, et soudain l’image du juge Coméliau lui vint à l’esprit. Heureusement !
— Allô !... Bonsoir, monsieur le juge... Ici, Maigret.
— Alors, monsieur le commissaire, votre patron de petit café ?
Жалоба
Напишите нам, и мы в срочном порядке примем меры.