Simenon, Georges - La guinguette à deux sous Страница 14
- Категория: Детективы и Триллеры / Полицейский детектив
- Автор: Simenon
- Год выпуска: неизвестен
- ISBN: нет данных
- Издательство: неизвестно
- Страниц: 15
- Добавлено: 2019-10-13 14:47:33
Simenon, Georges - La guinguette à deux sous краткое содержание
Прочтите описание перед тем, как прочитать онлайн книгу «Simenon, Georges - La guinguette à deux sous» бесплатно полную версию:Une fin d'après-midi radieuse. Un soleil presque sirupeux dans les rues paisibles de la Rive Gauche. Et partout, sur les visages, dans les mille bruits familiers de la rue, de la joie de vivre. Il y a des jours ainsi, où l'existence est moins quotidienne et où les passants, sur les trottoirs, les tramways et les autos semblent jouer leur rôle dans une féerie. C'était le 27 juin. Quand Maigret arriva à la poterne de la Santé, le factionnaire attendri regardait un petit chat blanc qui jouait avec le chien de la crémière. Il doit y avoir des jours aussi où les pavés sont plus sonores. Les pas de Maigret résonnèrent dans la cour immense. Au bout d'un couloir, il interrogea un gardien. - Il a appris ?... - Pas encore. Un tour de clef. Un verrou. Une cellule très haute, très propre, et un homme qui se levait tandis que son visage semblait chercher une expression. - Ça va, Lenoir ? questionna le commissaire.
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Et, sans transition :
— C’est vrai, ce que disent les journaux ? Vous avez arrêté Basso ?
— Hier après-midi, oui !
— À votre santé… C’est idiot…
— Qu’est-ce qui est idiot ?
— Ce qu’il a fait… Voilà un homme sérieux, qui a l’air solide, sûr de lui, et qui s’affole comme un gamin… Il aurait été mieux avisé de se rendre dès le début, de se défendre… Qu’est-ce qu’il risquait, au fond ?…
Maigret avait déjà entendu le même discours, des lèvres de Mme Basso, et il eut un sourire amusé.
— À votre santé !… Vous avez peut-être raison, mais peut-être aussi avez-vous tort…
— Que voulez-vous dire ? Le crime n’était pas prémédité, n’est-ce pas ? Au fond, cela ne peut même pas s’appeler un crime…
— Justement ! Si Basso n’a que la mort de Feinstein à se reprocher, c’est un impulsif et un faible qui a sottement perdu son sang-froid…
Et le commissaire, brusquement, si brusquement que James sursauta :
— Cela fait combien, garçon ?
— Six cinquante…
— Vous partez ?
— C’est-à-dire que je dois avoir une entrevue avec Basso.
— Ah !
— Au fait, cela vous ferait-il plaisir de le voir ?… Entendu ! je vous emmène.
Dans le taxi, ils n’échangèrent que des phrases banales.
— Mme Basso a bien supporté le coup ?
— C’est une femme très courageuse… Et très cultivée ! Je ne l’aurais pas cru en la voyant si simple… Et surtout en la voyant le dimanche, à Morsang, en tenue de marin…
Et Maigret questionna :
— Comment va votre femme ?
— Très bien… Comme toujours.
— Ces événements ne l’ont pas troublée ?
— Pourquoi ?… Sans compter qu’elle n’est pas femme à se troubler… Elle s’occupe de son ménage… Elle coud… Elle brode… Elle passe une heure ou deux dans les grands magasins, à la recherche d’une occasion…
— Nous sommes arrivés… Venez !
Et Maigret pilota son compagnon à travers la cour, jusqu’au corps de garde, où il questionna :
— Ils sont là ?
— Oui.
— Tranquilles ?
— Sauf celui que Dubois a amené ce matin et qui prétend qu’il s’adressera à la Ligue des droits de l’homme…
Maigret sourit à peine, ouvrit la porte de la cellule, fit passer James devant lui.
Il n’y avait qu’une couchette et c’était le vagabond qui s’y était installé, après avoir retiré ses espadrilles et son veston.
Basso, lui, au moment où la porte s’ouvrait, se promenait de long en large, les mains derrière le dos. Son regard alla aussitôt, interrogateur, à ses deux visiteurs, s’arrêta sur Maigret.
Quant à Victor Gaillard, il se leva avec mauvaise humeur, se rassit et grommela entre ses dents des choses inintelligibles.
— J’ai rencontré votre ami James, dit Maigret, et j’ai pensé que cela vous ferait plaisir de…
— Bonjour, James… fit Basso en lui serrant la main.
Mais il manquait quelque chose. On n’eût pu dire quoi.
Il y avait dans l’atmosphère une réticence, un froid indéfinissable, qui décida peut-être Maigret à brusquer les choses.
— Messieurs, commença-t-il, je vous demande de vous asseoir, car nous en avons pour quelques minutes… Toi, fais de la place sur la couchette… Et surtout essaie de rester un quart d’heure sans tousser… Cela ne prend pas ici !…
Le vagabond se contenta de ricaner, en homme qui attend son heure.
— Asseyez-vous, James… Et vous aussi, monsieur Basso… Parfait ! Maintenant, si vous le voulez bien, je vais essayer de résumer en quelques mots la situation… Vous m’écoutez attentivement, n’est-ce pas ?… Il y a quelque temps, un condamné à mort du nom de Lenoir portait, au moment de mourir, une accusation contre quelqu’un dont il se refusait à livrer le nom…
« Il s’agissait d’un vieux crime dont la banalité même a assuré l’impunité…
« En bref, voilà six ans, une voiture quittait une rue de Paris et se dirigeait vers le canal Saint-Martin… Là, le conducteur de l’auto descendait, chargeait sur son bras un cadavre qui se trouvait à l’intérieur et le poussait dans l’eau profonde…
« On n’en aurait jamais rien su si deux rôdeurs n’avaient assisté à la scène… Deux rôdeurs qui avaient nom Lenoir et Victor Gaillard…
« L’idée ne leur vient pas de s’adresser à la police… Ils préfèrent profiter de leur découverte et les voilà qui vont trouver l’assassin et qui lui soutirent régulièrement des sommes d’argent plus ou moins fortes…
« Seulement, ils sont encore jeunes dans le métier… Ils ne prennent pas toutes leurs précautions et, un beau matin, leur banquier a changé d’adresse…
« C’est tout ! La victime s’appelle Ulrich ! Il s’agit d’un brocanteur juif qui est seul à Paris et dont, par conséquent, personne ne s’inquiète !
Maigret alluma lentement sa pipe, sans regarder ses interlocuteurs. Dans la suite, il ne les regarda pas davantage, mais fixa obstinément ses chaussures.
— Six ans plus tard, Lenoir retrouve par hasard l’assassin en question, mais il n’a pas le temps de renouer avec lui des relations fructueuses, car un crime qu’il commet pour son compte lui vaut une condamnation à mort…
« Écoutez-moi bien, je vous en prie… Avant de mourir, comme je l’ai déjà dit, il prononce quelques mots qui me suffisent à circonscrire mes recherches dans un petit cercle bien déterminé. Mais aussi il écrit à son ancien camarade pour lui annoncer la nouvelle et celui-ci accourt à la guinguette à deux sous…
« Voilà, si vous voulez, le second acte… Ne m’interrompez pas, James !… Toi non plus, Victor…
« Et revenons au dimanche où Feinstein est mort… Ce jour-là, l’assassin d’Ulrich était à la guinguette à deux sous… C’était vous, Basso, ou moi, ou vous James, ou Feinstein, ou n’importe quel autre…
« Une seule personne qui puisse nous fixer avec certitude : Victor Gaillard ici présent…
Celui-ci ouvrit la bouche et Maigret cria littéralement :
— Silence !
Il ajouta ensuite sur un autre ton :
— Or Victor Gaillard, qui est un malin et une crapule par surcroît, n’a pas du tout envie de parler pour rien… Il réclame trente mille francs pour livrer le nom… Mettons qu’à vingt-cinq mille il marcherait… Silence, sacrebleu ! Laissez-moi finir…
« La police n’a pas l’habitude d’offrir de pareilles primes, et tout ce qu’elle peut faire pour Gaillard, c’est de le poursuivre sous l’inculpation de chantage…
« Revenons aux coupables possibles… J’ai dit tout à l’heure que toutes les personnes présentes le dimanche en question à la guinguette pouvaient être soupçonnées…
« Mais il y a des degrés… Par exemple, il est prouvé que Basso, jadis, a connu le sieur Ulrich… Il est prouvé que non seulement Feinstein le connaissait aussi, mais que la mort du brocanteur lui a permis de ne pas rembourser la forte somme qu’il lui devait…
« Feinstein est mort… L’enquête a démontré que c’était un personnage assez peu recommandable…
« Si c’est lui qui a tué Ulrich, l’action pénale s’éteint d’elle-même et le dossier de cette affaire en restera où il en est…
« Victor Gaillard pourrait nous fixer, mais je n’ai pas le droit d’accepter son chantage…
« Silence, sacrebleu !… Vous parlerez quand on vous questionnera…
C’était le vagabond qui s’agitait et qui ouvrait la bouche à chaque instant pour prendre la parole.
Maigret ne regardait toujours personne. Il avait parlé d’une voix monotone, comme on récite une leçon.
Et soudain il se dirigea vers la porte en grommelant :
— Je reviens dans un instant… Un coup de téléphone urgent à donner…
La porte s’ouvrit, se referma, et l’on entendit des pas qui s’éloignaient dans l’escalier.
XI
L’assassin d’Ulrich
— Allô oui !… D’ici une dizaine de minutes, monsieur le juge… Qui ?… Je ne sais pas encore… Je vous jure !… Est-ce que j’ai l’habitude de plaisanter ?…
Et il raccrocha, se promena de long en large dans son bureau, s’approcha de Jean.
— À propos, je serai absent pendant quelques jours, à partir de ce soir… Voici l’adresse à laquelle il faudra faire suivre mon courrier…
Il regarda plusieurs fois sa montre, se décida enfin à descendre vers la cellule où il avait laissé les trois hommes.
Quand il entra, la première chose qu’il vit, ce fut le visage haineux du vagabond, qui n’était plus à la même place mais qui arpentait la pièce à pas rageurs. Basso, lui, assis au bord de la couchette, se tenait la tête dans les mains.
Quant à James, il était appuyé au mur, les bras croisés, et il fixait Maigret avec un drôle de sourire.
— Excusez-moi de vous avoir fait attendre… Je…
— C’est fait ! dit James. Mais votre absence était inutile.
Et son sourire était plus ému à mesure que Maigret se montrait déconfit.
— Victor Gaillard ne gagnera ses trente mille francs ni en parlant ni en se taisant… C’est moi qui ai tué Ulrich…
Le commissaire ouvrit la porte, appela un inspecteur qui passait.
— Enfermez-moi cet homme n’importe où jusqu’à tout à l’heure…
Il désigna le vagabond, qui lança encore à Maigret :
— Vous vous souviendrez que c’est moi qui vous ai conduit chez Ulrich !… Sans cela… Et cela vaut bien…
Cette obstination à tirer coûte que coûte profit du drame n’était même plus ignoble, mais pitoyable.
— Cinq mille !… cria-t-il de l’escalier.
Ils n’étaient plus que trois dans la cellule. Basso, des trois, était le plus accablé. Il hésita longtemps, se leva, se campa devant Maigret.
— Je vous jure, commissaire, que j’ai voulu donner les trente mille francs… Qu’est-ce que cela peut me faire ?… James n’a pas voulu…
Maigret les regarda l’un après l’autre avec un étonnement qui se teintait d’une sympathie grandissante.
— Vous étiez au courant, Basso ?
— Depuis longtemps… murmura celui-ci.
Et James de préciser :
— C’est lui qui m’a donné les sommes que les deux voyous m’extorquaient… Pour cela, je lui ai tout avoué…
— C’est malin ! s’énerva Basso. Il suffisait de trente mille francs pour…
— Mais non ! Mais non ! soupira James… Tu ne peux pas comprendre… Le commissaire non plus…
Il regarda autour de lui comme pour chercher quelque chose.
— Personne n’a une cigarette ?
Basso lui tendit son étui.
— Pas de pernod, bien entendu !… Cela ne fait rien… Il faut que je commence à m’habituer… N’empêche que cela aurait été plus facile…
Et il remuait les lèvres comme un buveur que tourmente le besoin de la boisson.
— Au fait, je n’ai pas grand-chose à dire… J’étais marié… Un petit mariage tranquille… Une petite vie quelconque… J’ai rencontré Mado… Et, bêtement, j’ai cru que c’était arrivé… Toute la littérature… Ma vie pour un baiser… Une vie courte mais bonne… Dégoût de la banalité…
Il avait une façon flegmatique de dire cela, qui donnait à sa confession quelque chose d’inhumain, de clownesque.
— Il y a un âge où tout cela prend ! Garçonnière ! Rendez-vous secrets ! Petits fours et porto ! Et ces choses-là coûtent cher. Et je gagnais mille francs par mois ! C’est toute l’histoire, une histoire bête à pleurer ! Je n’osais pas parler d’argent à Mado ! Je n’osais pas lui dire que je n’avais pas de quoi payer la garçonnière de Passy ! Et c’est le mari, par hasard, qui m’a donné le tuyau d’Ulrich…
— Vous lui avez emprunté beaucoup ? questionna Maigret.
— Pas même sept mille… Mais c’est beaucoup quand on gagne mille francs par mois… Un soir que ma femme était chez sa sœur, à Vendôme, Ulrich est venu, m’a menacé, si je ne payais pas tout au moins les intérêts, de s’adresser à mes patrons d’une part, de me faire saisir ensuite… Vous imaginez la catastrophe ?… Mon directeur et ma femme qui apprenaient tout en même temps ?
Et la voix restait calme, ironique.
— J’ai fait l’idiot… D’abord, je ne voulais qu’impressionner Ulrich en lui cassant la figure… Mais, quand il a eu le nez en sang, il a essayé de hurler… J’ai serré le cou… Pourtant, j’étais très calme… C’est une erreur de croire que, dans ces moments-là, on perd la tête… Au contraire ! Je crois que je n’ai jamais eu tant de lucidité… Je suis allé louer une voiture… Et je tenais le cadavre de telle sorte qu’on pût croire que c’était un camarade ivre… Vous savez le reste…
Il faillit tendre le bras vers la table pour y prendre un verre qui ne s’y trouvait pas.
— C’est tout… Après cela, on voit la vie autrement… Avec Mado, ça a encore traîné un mois… Ma femme a pris l’habitude de m’engueuler parce que je buvais… Et il me fallait donner de l’argent aux deux individus… J’ai tout dit à Basso… On prétend que cela fait du bien de se confier… Tout cela, c’est de la littérature… Ce qui fait du bien, c’est de recommencer sa vie au début, de redevenir un petit enfant dans son berceau…
C’était si cocasse et surtout si cocassement dit que Maigret ne put s’empêcher de sourire. Il s’aperçut que Basso souriait aussi.
— Seulement, n’est-ce pas ? ce serait encore plus idiot d’aller un beau jour au commissariat et de raconter qu’on a tué un bonhomme.
— Alors, on se crée son coin à soi !… dit Maigret.
— Puisqu’il faut vivre !…
C’était plus morne que tragique ! À cause, sans doute, de l’étrange personnalité de James ! Il mettait son point d’honneur à rester simple. Il avait la pudeur de la moindre émotion.
Si bien qu’en fin de compte c’était lui le plus calme et qu’il avait l’air de se demander pourquoi les deux autres avaient des mines bouleversées.
— Il faut que les hommes soient bêtes pour que Basso lui-même, un beau jour… Et avec Mado encore !… Pas avec une autre !… Et cela a mal tourné !… Si je l’avais pu, j’aurais dit que c’était moi qui avais tué Feinstein… On en était quittes une bonne fois… Mais je n’étais même pas sur les lieux !… Il a fait l’imbécile jusqu’au bout… Il s’est enfui… Je l’ai aidé de mon mieux…
Il y avait tout de même quelque chose dans la gorge de James et c’est pour cela qu’il garda le silence un bon moment, avant de reprendre de sa même voix monotone :
— Comme s’il n’aurait pas mieux fait de dire la vérité !… Tout à l’heure encore, il voulait donner les trente mille francs…
— C’était quand même plus simple ! grommela Basso. Maintenant, au contraire…
— Maintenant, j’en suis quitte une bonne fois ! acheva James. De tout ! De cette saloperie d’existence ! Du bureau, du café,… Il n’acheva pas. Mais il avait failli dire : « De ma femme » !
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